Le Musée des Techniques  de Beautiran le 3 avril 2018.

L’objectif du Musée des Techniques, ouvert en 2015, est d’animer la vie culturelle du village de Beautiran, près de Labrède.

Hébergé dans la Villa Maglya, un de ces petits chefs d’œuvre architecturaux du XVIIIe, maisons dites nobles, comme il y a en a tant dans le Bordelais  le musée dispose également d’une galerie où sont exposées les œuvres d’artistes peintres, sculpteurs et souffleurs de verre…

A l’origine de cette mise en valeur, une femme, Marie-Françoise Micouleau, qui s’est plongée dans l’histoire de son village. Elle a réuni une importante collection de toiles anciennes que le public peut aujourd’hui découvrir
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Et ce n’est pas tout car le Musée des Techniques propose aussi de voyager dans l’épopée méconnue de l’aluminium…Ce n’est pas un hasard, Marie-Françoise Micouleau a fondé, avec son mari l’entreprise Dal’Alu, numéro un européen de la gouttière en aluminium.
Le musée offre ainsi une collection hétéroclite et surprenante d’objets en alu, du pot au lait au siège éjectable.

Grâce à leur rencontre avec Pascal Peyrot, véritable passionné de photographie, nous pouvons aussi découvrir l’histoire de cet art ainsi que des appareils en tous genres.

L’ancien chai de la propriété est aménagé en galerie d’art qui abrite les œuvres du bronzier Alain Cantarel, de l’aquarelliste Annick Lacroix du souffleur de verre Carlos Vieira.
Lors de notre visite, la galerie proposait aussi les expositions temporaires des reproductions de sculptures comiques de l’argentin Guillermo Forchino ainsi qu’une documentation complète sur le rôle des animaux dans la guerre de 14-18. Nous découvrons le chien Stubby couvert de médailles, la véritable histoire de Rintintin mais encore les chevaux, ânes, mulets, pigeons voyageurs… Sont également évoquées dans cette exposition, deux grandes batailles meurtrières qui marquèrent cette terrible période de notre histoire, les Dardanelles en 1915 et le Chemin des Dames en 1917,  il y a cent ans.

Les anciennes écuries abritent, elles, l’exposition temporaire de coffrets et flacons de parfum (prêts de collectionneurs) et les toiles de Beautiran qui furent aussi célèbres que celles de Jouy.
Ces toiles, les indiennes, comme on les appelait au XIXème siècle, ont longtemps été oubliées en Gironde.
L’ancienne manufacture a été en activité de 1797 à 1832. En 1826 elle employait 112 personnes à Beautiran et 50 « tisseuses » à Cadillac (des détenues de la prison de jeunes femmes située dans le château des Ducs d’Épernon !) L’entreprise cesse définitivement son activité en 1832 en raison de problèmes dus à une  gestion difficile mais aussi à une concurrence accrue.

Sous le règne de Louis XIV, Colbert crée la Compagnie des Indes qui importe des cotonnades imprimées dont la population devient vite friande. Les marchands drapiers et soyeux du royaume s’en inquiètent et pour protéger ces corporations, l’importation et la production d’indiennes sont interdites en 1686.
Face au déchainement de la contrebande (Madame de Pompadour s’habillait de ces toiles et en tapissait son salon !) Louis XV abolit cette loi en 1759. La demande des cotonnades explose, des dizaines de manufactures s’installent en France dont celle de Beautiran.
Les artistes parisiens servent d’inspiration. Les dessinateurs reproduisent les thèmes mythologiques, historiques, littéraires, les scènes pastorales ou familiales. Les sculpteurs et graveurs préparent les tampons de bois et les plaques de métal pour imprimer.
Le coton est récolté en Inde, filé et tissé puis importé brut et raide. On le nettoie dans l’eau, il est battu au fléau pour le rendre perméable. Appliqué sur la toile, le mordant permet de sensibiliser les fibres du coton pour qu’elles absorbent et fixent les teintes. La matière première des teintures, pour la coloration des toiles, est procurée par la chimie que fournissent les plantes tinctoriales et des pigments végétaux.
Le tampon est un morceau de planche de bois sculpté d’après le dessein à obtenir, la plaque de cuivre est gravée en creux à l’aide de gouges. Selon le savoir-faire du graveur, la profondeur de la gravure dans le métal on obtient des motifs aux lignes fines, des effets d’ombres et de lumières. Ainsi est réalisé le camaïeu en dégradé de différents tons avec une seule couleur.
Les rouges sont obtenus par décoction de racines de garance. La teinture s’effectue en plongeant le tissu dans un bain de couleur porté à ébullition dans une cuve équipée de son tourniquet d’essorage.
Le bousage, préparation à base de bouses de vaches desséchées et d’eau tiède, permet d’éliminer l’excès d’épaississant de mordant et de couleur. Le pinceautage, travail délicat, est réalisé par des femmes qui appliquent les couleurs primitives, bleu et jaune, pour obtenir le vert des feuillages et ajouter des détails raffinés. Les contours sont peints à la main.
Tous les travaux nécessitent de nombreuses manutentions pour le rinçage, l’étendage et le séchage entre chaque opération.

Les couleurs « grand teint » ont 200 ans et gardent leur fraicheur.
La municipalité de Beautiran prête ses collections de toiles au musée, un roulement des pièces est établi.
Afin de compléter cette exposition, présentation d’une chambre dont les meubles sont garnis de toile de Beautiran, un couple de mannequins porte les habits des anciens seigneurs locaux M et Mme de Saige (dont le fils fut maire de Bordeaux avant de perdre la tête en 1793).
La pièce suivante regroupe une incroyable collection d’objets en aluminium et les souvenirs de la création de la première équipe féminine de gymnastes, « Les Perce Neige » en 1937 ; le club sportif vient de fêter ses 80 printemps !

 

Pascal Peyrot nous convie à visiter le premier étage de la maison où sont regroupés des appareils photos et matériels de projection, tireuses, agrandisseurs… depuis l’invention de la photographie.

L’image, transportée par la lumière, se reflète sur une plaque de verre dépoli. En 1826, le français Niepce a fixé pour la première fois une image. En 1872, Ducos du Hauron, né à Langon, invente en même temps que Charles Cros, la photo couleur en trichromie (rouge, vert et bleu). Le procédé sera repris par les frères Lumière. La 3D date de 1850.
Les premiers inventeurs comme les premiers appareils photos sont tous français.
Les premiers appareils sont lourds (en bois et cuir), encombrants ; certains ne peuvent quitter les ateliers où on « pose » pour la postérité. Même les appareils mobiles sont lourds, les temps de pose très longs impliquent l’appui des modèles pour ne pas bouger.

Lorsque l’augmentation de la sensibilité des pellicules permettra la diminution du temps de pause, les appareils photos de presse se développeront. Les flashs, dont certains au magnésium, qui vont aussi révolutionner la photo sont exposés en grand nombre.Les appareils Foca intègrent les télémètres puis les posemètres.
La marque allemande Leica puis les marques japonaises vont marquer la fin de l’industrie française.
Sont encore exposés des polaroïds, des autofocus, des appareils jetables…et tous les appareils que nous avons connu ou utilisés avant l’apparition du numérique.


Nous avons survolé avec plaisir 150 ans de photographie en compagnie d’un amateur passionné et passionnant, pour beaucoup découvert l’existence des toiles de Beautiran et admiré des collections si riches et si variées que les 3 heures dévolues à cette visite ont paru bien courtes.

Merci à madame Micouleau et à nos aimables guides pour cette visite qui nous donne envie de revenir.

Organisation : Alain Caminade.

Photographes : Josette Benoit, Alain Caminade.

Récit : Annie Charlier.