Villebois-Lavalette 21 mai 2015
Grande est notre surprise de découvrir, au détour d’un virage, l’imposant édifice du château de la Mercerie, surnommé le petit Versailles Charentais, dominant le paisible et verdoyant paysage de collines.
La façade de pierres blanches s’étend sur 220 m de longueur au milieu d’un écrin de verdure de 50ha.
Le petit manoir du XIXème siècle est acheté en 1924 par Alphonse et Raymond Réthoré. Dès lors, les deux frères rêvent du grand Versailles et consacrent leur énergie et leurs ressources à l’agrandissement et l’embellissement du château.
Les travaux durent de 1929 à 1975, Alphonse en est l’architecte ; Raymond, lui, est député maire.
A l’extérieur, colonnades et balustres prolongent le bâtiment d’origine pour créer la gigantesque façade en pierre de taille.
A l’intérieur rien n’est trop beau, meubles rapportés de leurs voyages, marbres d’Italie, azulejos du Portugal. Un peintre et un sculpteur reproduisent sur place de nombreuses copies de grands maîtres comme Le Titien, Vélasquez ou Ingres.
Les trésors s’accumulent, les dettes aussi et les décès des deux frères, sans descendants, en 1983 et 1986 intervient avant l’achèvement du projet colossal.
Leur secrétaire hérite de la propriété mais décède peu après.
Afin d’éponger les dettes, deux grandes ventes aux enchères sont organisées ; les meubles et œuvres d’art sont dispersés. Le château est vendu en 1988 à une société parisienne qui s’en désintéresse. Le château tombe dans l’oubli et est en grand péril jusqu’à ce que la mairie de la commune le rachète. Depuis 2010 une association de bénévoles actifs fait revivre ce patrimoine.
Les ouvertures de la façade ouest ont beaucoup souffert, les infiltrations ont dégradé les plafonds et boiseries qui sont restaurées peu à peu mais il reste encore beaucoup à faire.
A l’étage, les chambres et salons ne conservent que quelques tableaux collés aux murs, de belles cheminées de marbre et de très nombreuses plaques où sont ciselées des citations de grands auteurs français, anglais, grecs ou latins. Les habitants étaient des lettrés qui aimaient faire étalage de leur savoir.
Quelques photographies datant de leur splendeur nous permettent de mesurer l’ampleur des dégradations et du travail restant à accomplir dans ces pièces. Les chambres sont surmontées d’étonnantes coupoles ; le lourd lit à baldaquin n’a pas trouvé d’acquéreur !
Au rez-de-chaussée la grande galerie des azulejos surprend par son plafond…..qui n’a jamais été fait pour cacher la charpente métallique et la couverture de tôle. Les immenses tableaux d’azulejos, hauts de 7 mètres, constituent la plus grande surface existante de cet art ; celés dans les murs, ils n’ont heureusement pas pu être vendus. Les sujets de ces tableaux sont des copies de peintres paysagistes, beaucoup sont de Vernet, les céramiques réalisées par un atelier portugais. Dans cette immense salle on peut aussi voir quatre étonnantes colonnes grecques réalisées par la fonderie de Ruelle qui a tourné des troncs d’arbres entiers. Cette fonderie tournait les canons pendant la guerre de 1914/18, dont le canon de 305, long de 18 mètres et qui nécessitait deux wagons pour le transporter.
16Fonderie Nationale de Ruelle 004
17 Fonderie Nationale de Ruelle 005
Dans la galerie d’acajou qui lui fait suite, le sol brut n’a jamais été recouvert mais le plafond orné de tableaux nous rappelle Versailles ; les tableaux d’azulejos y sont de moins belle facture.
La chambre dite de Béruge surprend d’abord par l’immense drapé et le dais sculptés dans le bois, la grande crosse d’évêque qui ne semble pas à sa place, et surprise, les croquis et peintures grivois dissimulés par une porte de placard !
Après la pause-déjeuner, nous partons à la découverte du pittoresque et escarpé village à qui le duc d’Epernon a donné le nom de Lavalette.
Très belle halle construite en 1665 par le duc de Navailles sur l’emplacement de l’ancienne halle du 12èmesiècle.Le couvent de ursulines, créé par la duchesse de Navailles en 1664 est devenu bien public en 1789, la mairie s’y installe ainsi que l’école, et la justice de paix. Au bout de la ruelle du couvent, une fontaine fût le seul point d’eau du village jusqu’en 1850 où la fontaine de la halle est mise en place.
La plus ancienne maison renaissance du village est celle de l’historien François de Corlieu.
En haut de ses 77 marches, l’église St Romain date du 12ème siècle ; elle a subit beaucoup de dommages pendant la guerre de cent ans, les guerres de religion et les tremblements de terre de 1783 et 1784 où elle est détruite. En 1866, le curé meurt en faisant un legs pour la reconstruction de l’église au même emplacement. Après 30 ans de débats, elle retrouve sa place en 1895.
Au sommet du Puy Sanseau, à 198m de hauteur, nous attend le château millénaire de Villebois-Lavalette.
Quatre châteaux successifs ont été construits sur ce site.
Vers l’an mil, les seigneurs de Villebois élèvent une tour sur une butte artificielle appelée motte castrale, redécouverte et en cours de fouille.
Fin du 12ème siècle, les Plantagenêt puis les Lusignan construisent un château en pierre, entourée d’une enceinte hérissée de sept tours. La muraille abrite une basse-cour. La résidence seigneuriale est vaste construite sur plusieurs étages ; la récente découverte d’une salle basse voûtée longue de plus de 30 m interroge les archéologues et historiens.
Dans l’enceinte, la chapelle-porche romane des XIe-XIIIe siècles a retrouvé sa couverture en 2010 ; les fouilles ont mis à jour une trentaine de tombes médiévales.
A la fin du Moyen-Age, au XVe siècle, les barons de Mareuil construisent un autre logis seigneurial à l’emplacement de la résidence féodale ; le système défensif est renforcé de deux pont-levis (un piéton et un charretier) et de tours et adapté à l’artillerie. En 1597, le duc d’Epernon achète le château et poursuit les travaux de mise en défense.
Au XVIIe siècle, à partir de 1667, le duc de Navailles fait construire le quatrième château de style classique ; il devient une résidence de plaisance agrémenté d’ un parc.
Après la Révolution, il devient prison, gendarmerie et est ravagé en 1822 par un incendie.
Au XXe siècle, le comédien Bernard Lavalette, avec l’aide de l’Association des Amis du Château s’attache à lui rendre sa noble allure passée..
Depuis 2000, M Fradin s’emploie à le restaurer, favorisant les fouilles archéologiques, les visites guidées et les spectacles de qualité.
Ne quittons pas Villebois-Lavalette sans sa spécialité pâtissière, les cornuelles, triangles de pâte sablée anisée, troués en leur centre pour être enfilés sur les bâtons des pèlerins.
Récit Annie Charlier
|